Le bleu de Matignon
La pêche > L'intervention de l'état
Paris, le 19 janvier 1993 Diffusé le : 23 février 1993
Le Premier ministre à Jean-Yves LE DRIAN
Monsieur le Ministre,
Vous avez attiré mon attention sur la situation du port de Lorient. Je mesure parfaitement l'importance qui s'attache au redressement du deuxième port de pêche de France.
Les négociations menées sous l'égide de MM. STRAUSS-KAHN et JOSSELIN ont permis de confirmer le schéma de reprise que vous aviez initié en 1991 et de finaliser le tour de table financier correspondant, pour lequel l'Etat consentira un effort financier substantiel.
J'ai demandé au Préfet du Morbihan d'exposer dès ce jour à l'ensemble des partenaires de la communauté lorientaise le détail du montage, afin que les modalités concrètes de sa mise en oeuvre puissent être rapidement arrêtées entre toutes les parties concernées.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
Pierre BEREGOVOY
Monsieur Jean-Yves LE DRIAN Ancien Ministre
Maire de Lorient
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COMPTE-RENDU
des réunions interministérielles
tenues les 14 janvier, 21 janvier et 19 février 1993
sous la présidence de
Mme Catherine COMOLLI et de M. Gilles TALDU,
conseillers techniques au cabinet du Premier ministre
tenues les 14 janvier, 21 janvier et 19 février 1993
sous la présidence de
Mme Catherine COMOLLI et de M. Gilles TALDU,
conseillers techniques au cabinet du Premier ministre
OBJET : Port de pèche de Lorient.
Le secrétariat d'Etat à la mer expose que la chambre de commerce et d'industrie du Morbihan, concessionnaire du port de pêche de Lorient, connaît de graves difficultés financières essentiellement liées au port de pêche de Lorient, dont le tonnage de poisson débarqué a chuté au cours des dernières années (70.000 tonnes en 1985, 20.000 tonnes en 1992).
Un plan de relance a été proposé en décembre 1991 à la communauté portuaire lorientaise par le secrétaire d'Etat à la mer. Ce plan prévoit notamment la reprise de la concession par une société d'économie mixte, qui serait chargée de mettre en oeuvre les actions nécessaires de redressement et de modernisation en liaison avec des investisseurs et opérateurs privés. Ce pian prévoit 15 MF de I'Etat, 10 MF d'emprunt de la société d'économie mixte, 15 MF de la chambre de commerce et d'industrie, 5 MF de la région et 5 MF du département. Il a fait l'objet, au cours des derniers mois, de débats et de mises au point au sein de la place portuaire de Lorient, dans un contexte difficile marqué par les difficultés de la pêche (baisse des tonnages; recours à des bases avancées en Ecosse pour le déchargement des navires) et la modification du régime juridique de la manutention portuaire.
De son côté, le ministère de l'industrie et du commerce extérieur a diligenté une mission d'inspection générale pour effectuer une analyse de la situation générale de la chambre de commerce et d'industrie.
Pour ce qui concerne la future concession, une société d'économie mixte est candidate à la reprise de la concession. Elle s'appuie pour l'exploitation sur un opérateur privé, la CEP, filiale de la CGE et, pour les investissements, sur une société anonyme associant la CEP, des opérateurs privés et des banques. Elle contribuerait en outre au financement de la part locale du plan social dockers. La CEP est par ailleurs depuis juin 1992 sous-traitant de l'actuel concessionnaire, la chambre de commerce et d'industrie du Morbihan.
Ce dispositif, moyennant quelques améliorations, est le seul susceptible de permettre le sauvetage du port de pêche de Lorient. La candidature de la société d'économie mixte constitue donc une opportunité à saisir. Mais compte-tenu de l'importance du passif (environ 130 MF au 31/12/92, non compris 20 MF pour le plan social dockers), la mise en oeuvre du plan nécessite l'apport d'importants fonds publics.
Le secrétariat d'Etat à la mer observe qu'il est urgent de trouver une solution car, d'une part, le port continue à perdre entre 1 MF et 2 MF par mois et, d'autre part, le contrat de sous-traitance avec la CEP expire fin février 1993.
Le ministère de l'industrie et du commerce extérieur considère qu'il faut rechercher une solution amiable avec la chambre de commerce et d'industrie et éviter un retrait unilatéral, qui ferait courir à l'Etat des risques contentieux et financiers importants.
L'article 44 du cahier des charges de la convention du 23/12/72 prévoit en effet que 'à toute époque, l'Etat aura le droit de retirer la concession, à charge pour lui de pourvoir au paiement des annuités restant à courir pour l'intérêt et l'amortissement des emprunts affectés à l'établissement de l'outillage et de rapporter toutes les dépenses régulièrement engagées qui se rattacheraient à l'administration du service". En premier lieu, l'Etat aurait de toute façon à payer aux créanciers de la chambre de commerce et d'industrie au moins 60 MF dans un premier temps (dettes long terme). En second lieu, la chambre de commerce et d'industrie a demandé une indemnité d'imprévision (76,5 MA et de résiliation (22 MF). Or l'Etat a fragilisé sa position en proposant de sa propre initiative un retrait de la concession en 1991 et en proposant de participer au financement du passif. Enfin, l'issue contentieuse serait incertaine, le partage entre les difficultés liées à la conjoncture (baisse du tonnage des poissons), les erreurs de gestion du concessionnaire et les responsabilités de l'autorité concédante étant particulièrement difficile à opérer.
A cet égard, la chambre de commerce et d'industrie souligne le fait que l'Etat a été associé directement ou indirectement à la plupart des décisions de gestion (rôle du conseil portuaire, contrôle des budgets par l'Etat et approbation par ce dernier des emprunts et des tarifs, missions d'inspection et rapports qui se sont succédé ces dernières années).
Un retrait négocié est possible, compte tenu du souhait exprimé par la chambre de commerce et d'industrie de se désengager d'une gestion lourdement déficitaire. Toutefois, la gestion de la chambre de commerce et d'industrie n'est pas exempte de critiques, ce qui justifie qu'elle contribue au règlement financier de ce retrait de concession.
Le secrétariat d'Etat à la mer ne partage pas les craintes du ministère de l'industrie et du commerce extérieur sur l'issue d'un contentieux. Il estime, en effet, que les éléments à sa disposition permettraient de rechercher la responsabilité financière de la chambre de commerce et d'industrie sur de nombreux points. ll considère, néanmoins, qu'il est nécessaire d'aboutir à une solution amiable, car un contentieux mettrait en cause l'avenir même du port, qui est le deuxième de France. q'une part, il créerait une crise locale grave; d'autre part, il ferait peser sur la SEM une lourde incertitude juridique et financière, susceptible de remettre en cause sa candidature.
Le ministère du budget ne peut se rallier à la recherche d'une solution amiable, qu'à la double condition que les banques soient mises à contribution, dans la mesure où elles ont accordé des avances à court terme, favorisant ainsi la poursuite d'une gestion déficitaire et que la chambre de commerce et d'industrie fournisse l'effort principal. Il estime que la contribution de la chambre de commerce et d'industrie est insuffisante. Elle pourrait, selon lui, être augmentée grâce au produit de la vente des immeubles (valeur estimée, environ 90 MF) ou à un accroissement du taux de l'imposition additionnelle à la taxe professionnelle (IATP).
Le préfet du Morbihan et le ministère de l'industrie et du commerce extérieur sont très réservés envers ces dernières propositions qui conduiraient de manière certaine à un contentieux avec l'organisme consulaire, ce que l'on veut éviter. Ils estiment que l'Etat n'a aucun moyen de contraindre la chambre de commerce et d'industrie à voter une I.A.T.P. supérieure au montant retenu par son assemblée générale. Les seules mesures de contrainte prévues par les textes sont la dissolution de la chambre de commerce et d'industrie ou la suspension de son président pour faute grave (articles 16 et 17 du décret du 18 juillet 1991). Elles seraient d'évidence inadaptées à la situation. De plus, ils rappellent que le taux d'augmentation de l'IATP en 1993 sera de 14% environ, contre 5,5 % l'année précédente, ce qui est déjà substantiel.
Le ministère de l'économie et des finances considère qu'il est possible de porter la contribution de la société d'économie mixte à 34 MF.
Le secrétariat d'Etat à la mer produit une analyse du directeur départemental de l'équipement montrant que la capacité d'emprunt de la SEM a dû être révisée à la baisse, à 29 MF compte tenu d'une nouvelle chute des tonnages de poisson, induisant une baisse des recettes de 20%.
Le secrétariat d'Etat à la mer expose que la chambre de commerce et d'industrie a soumis une contre proposition de dernière minute tendant à conserver la gestion de la concession (directement ou via la SEM) et les dettes à long terme (70 MF). Il récuse ce schéma, qui est rejeté par les collectivités locales, et n'est assorti d'aucun plan financier et industriel crédible. Il s'interroge sur les motivations de cette contre proposition, qui a pparait au dernier moment, alors que le plan de redressement est négocié depuis des mois. Il présente le pian de financement joint en annexe.
Le ministère de l'industrie et du commerce extérieur soutient le montage via la SEM et le plan de financement proposé par le secrétariat d'Etat à la mer mais souhaite limiter sa participation à 15 MF au lieu de 18 MF. Il confirme l'accord de principe de la chambre de commerce et d'industrie pour une contribution de 25 MF.
Le secrétariat d'Etat à l'aménagement du territoire confirme son accord pour 8 MF.
Le ministère de la défense confirme son accord pour 6 MF (FRED), adossés à des investissements respectant la circulaire.
Le ministère du budget accepte le pian de financement, sous réserve que le secrétariat d'Etat à la mer fasse l'avance des 4 MF de cessions domaniales et que les crédits d'Etat soient financés par redéploiement.
Le préfet du Morbihan confirme l'accord des collectivités locales et des banques. Il insiste sur l'urgence de la mise en oeuvre de ce plan. Les nouvelles difficultés de la pêche et le blocage du plan social dockers ne permettent plus d'attendre.
Le cabinet du Premier ministre :
- prend acte des observations pertinentes du ministère du budget;
- regrette que le retard apporté à la mise en oeuvre du plan annoncé en 1991 par le ministère chargé de la mer, tutelle du port, et par le ministère chargé de l'industrie, tutelle de la chambre de commerce et d'industrie, conduise à constater une aggravation considérable de l'ampleur du passif à combler;
- considère que la question aujourd'hui est de savoir quelle solution apporter pour arrêter cette hémorragie financière;
- constate qu'une proposition a été élaborée et est approuvée par les deux ministères de tutelle ainsi que par les partenaires lorientais.
En conséquence, le cabinet du Premier ministre arrête la position suivante
1) l'Etat et la chambre de commerce et d'industrie du Morbihan conviendront, par accord mutuel, de mettre fin à la concession du port de pêche de Lorient attribuée à la chambre de commerce et d'industrie par arrêté du 23 décembre 1972.
Le port de pêche de Lorient sera concédé à la société d'économie mixte de Lorient-Kerornan, qui est candidate à la reprise.
La fin de l'actuelle concession et la nouvelle concession à la société d'économie mixte seront simultanées.
La société d'économie mixte reprendra les installations actuelles de la concession, mais sur une emprise réduite.
2) ce plan de reprise sera financé selon les données du tableau joint en annexe, étant précisé que :
- la participation du FRED interviendra conformément aux règles d'éligibilité;
- le secrétariat d'Etat à la mer fera l'avance du produit des cessions domaniales (4 MF), qui sera reversé à son budget;
- le ministère de l'industrie et du commerce extérieur pourra ramener sa participation à 15 MF s'il obtient que la chambre de commerce et d'industrie accroisse de 3 MF l'emprunt financé par relèvement de l'IATP.
3) le Préfet est mandaté pour négocier avec les partenaires locaux les modalités de mise en oeuvre du plan, dont le financement sera étalé sur 2 ans.
4) au vu des propositions du Préfet, le ministère du budget proposera, après concertation avec le secrétariat d'Etat à la mer et le ministère de l'industrie et du commerce extérieur, les redéploiements à opérer sur leurs budgets, ainsi que des opérations en trésorerie à réaliser avant le collectif budgétaire qui exécutera ces redéploiements.
VOUS TROUVEREZ CI-DESSOUS LE PLAN DE REPRISE DU PORT. Ce plan appelle de ma partquelques interrogations. Le prix excessivement élevé des 72 MF à payer par la SEM pour un port en état de délabrement, et le financement du plan Dockers qui ne lui revient pas. Par ailleurs le financement du FRED (fond de restructuration de la défense) est attribué à la CCIM alors qu'il devrait revenir à la SEM. Par ailleurs les 4 MF de financement par l'état de l'ilot L de la concession n'a pas été réalisé à ma connaissance.