La remise à niveau par la CEP
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Dés la signature du contrat SEM/CEP et sans attendre le résultat des débats politico-administratifs, la CEP se met en action pour la remise à niveau et la relance du port. Son PDG , Jean-Louis Patron , un des dirigeants de la compagnie générale des eaux (CGE) mets en oeuvre toutes ses équipes pour transformer le port en une entreprise viable et sécurisée.
1. Première action: Sécuriser le port, faire un bilan des actions urgentes à réaliser
2. Faire le point sur les investissements lourds
3. Regarder à la loupe le fonctionnement de chaque service pour éviter le gaspillage et faire des économies de gestion.
4. En parallèle il faut négocier avec les dockers la reprise du chariotage par la CEP le nombre de dockers qui deviendront des charioteurs sous statut CEP et les noms des personnes qui seront embauchées. Les négociations se font en ma présence et avec un représentant de la CCIM.
5. On peut lister les travaux qui ont été réalisés sous ma direction:
- La réforme de la manutention portuaire (Le débarquement, le tri du poisson, l’allotissement en criée, réalisé par le personnel docker et la livraison aux mareyeurs ) le conflit est violent (menaces de mort sur moi-même et mon personnel) et dure plusieurs années avec des grèves à répétition. Les actions se poursuivent jour et nuit et les pêcheurs menacent de quitter le port. J’ai été séquestré plusieurs fois.
Il faut mettre en exergue les services de l’état qui ont toujours été à la hauteur de leur tâche. Les événements sont pilotés en direct par le sous-préfet de Lorient et souvent par le préfet lui-même.
Les compagnies de CRS se succèdent, les compagnies de la gendarmerie mobile aussi pour assurer notre protection.
-La mise aux normes sécuritaires des installations portuaires. En 1992 les installations étaient tellement dégradées, que le port était considéré comme sinistré et très dangereux, pouvant conduire à des accidents mortels.
-La mise aux normes sanitaires des criées. Le poisson est un produit alimentaire, mais il était souvent considéré comme une marchandise lambda. L’Europe a imposé sa règlementation sanitaire sur tous les ports européens. Les mareyeurs ont dû rénover leurs magasins de marée, voire en construire de nouveaux dans un contexte financier extrêmement difficile. Cette situation a créé de véritables tensions mettant en cause , les institutions portuaires, régionales, nationales et européennes, et impliquant fortement la direction de la CEP pour aider les mareyeurs.
-La réhabilitation des terre-pleins du port. Les terre-pleins étaient dans un état lamentable, parsemés de nombreux trous et crevasses rendant difficile le travail des charioteurs qui devaient livrer rapidement les caisses de poissons de la criée vers les magasins de marée. Mais lors des passages dans les trous, les caisses de 50kg tombaient et les dockers charioteurs les remettaient à la main sur la pile tenue par les fourches du chariot élévateur. Les douleurs lombaires s’accumulaient et aujourd’hui encore ceux qui sont en vie, en ressentent les effets et les soufrances.
-La propreté du port. Visiblement ce dossier n’avait intéressé personne pendant des années.
Nous avons enlevé des dizaines de tonnes de détritus qui s’étaient accumulés sur les quais ou dans des endroits cachés. Cette opération à duré plusieurs mois. Puis nous avons passé un contrat de nettoyage avec une grosse entreprise spécialisée, aussi bien pour assurer la propreté des criées que celle des terre-pleins des quais. Et aussi pour l’évacuation des engins déclassés ( chaluts , filets …..) et autres encombrants. - La restructuration de l’armement Jégo Quéré , tout d’abord sur le plan financier le déficit était important (un véritable serpent de mer) et surtout sur la mise en place des bases avancées avec une logistique à flux tendu difficile à maitriser. Il faut reconnaitre la grande compétence de tout le personnel du port comme de l’armement Jégo Quéré qui s’investissait jour et nuit pour que le système fonctionne. Sans cette option la pêche lorientaise aurait terriblement souffert.
-L’installation à Lorient d’Intermarché. Peu de personnes peuvent témoigner de la façon dont ce sont déroulées les négociations et surtout pas ceux qui en parlent avec beaucoup d’assurance.
Il faut rendre hommage à Jean Pierre Le Roch passionné de pêche (au bar) , breton et marin dans l’âme, tout en étant le créateur des Mousquetaires emblème d’Intermarché. Ne pas oublier mon ami Guy Piriou pour la navale, et pour Intermarché Jean Pierre Nicolle et Léon Lucas et bien d’autres…Sans oublier l’emblématique Jean-Maurice Besnard.
Certains nous ont quitté beaucoup trop tôt mais je ne les oublierai jamais.
Ils se sont battus pour la Bretagne Sud et j’ai eu beaucoup de chance d’assister aux réunions restreintes (moins de 5 personnes) ou les décisions engageant l’avenir de Lorient et de Concarneau ont été prises.
Intermarché nous a beaucoup appris, notamment comment traiter le poisson, comme un produit alimentaire noble, le respecter, le valoriser.
Sans la Scapêche premier armement à la pêche en Bretagne le port de Keroman aurait perdu beaucoup de sa dynamique. Moins visible que dans les années 80 parce que les échanges commerciaux ont évolué, la dynamique de production et de commercialisation des produits de la mer à keroman est bien réelle.
-La reprise de la SCAD à Douarnenez. La aussi un dossier difficile, les réunions se déroulaient dans les locaux de la criée de Douarnenez en présence du préfet du Finistère et des élus locaux. J’ai assisté à toutes les réunions aux cotés de Jean-Pierre Nicolle (intermarché) et du sénateur Maire de Douarnenez Philippe Paul.
-La reprise de l'armement Lucas. Vu par la CEP le dossier paraissait beaucoup plus simple car son président Pascal Kergosien était un bon négociateur avec lequel c'était agréable de travailler.
-La reprise de l'armement Le Goff la production de ces pinasses étaient nécessaire pour le bon fonctionnement du port de Lorient.
-D'autres armements ont été repris par Intermarché qui a modernisé les bateaux et construit de nouvelles unités aux chantiers Piriou de Concarneau.
-La baisse des coûts de débarquement :Pour faire baisser les coûts de manutention, Intermarché a organisé sa propre logistique. Les produits de la pêche étaient triés et mis dans des bacs de 600 litres à bord des chalutiers puis transbordés sur un cargo nommé Pétrel. Le Pétrel faisait une rotation par semaine entre les zone de pêche ( Nord Irlande, West Irlande, Nord Ecosse West Ecosse) et le port de Keroman. Les premiers débarquements à Lorient ont eu lieu au quai situé à proximité de la Scapêche, Mais le trajet entre ce quai et la criée était long et jonché de dockers manifestant contre le fait qu'ils n'avaient plus accès au travail de débarquement et de tri du poisson. C'était la nuit . J'avais organisé le chariotage par colonne; je me mettait en tête de chaque colonne suivi par les charioteurs de la CEP ex dockers qui me suivaient courageusement sous les sifflets de leurs anciens collègues et surtout sous les projectiles (billes d'aciers) qui sifflaient violemment à nos oreilles. Il n'y a pas eu de mort, quelques blessés me semble t-il. Cette situation était très dangereuse et ne pouvait pas perdurer. J'ai cherché une solution plus sécurisée . Et après avoir fait des calculs de Tirant d'eau et de marée je me suis aperçu qu'il y avait des créneaux ou le Pétrel pouvait accoster directement devant la criée. Aprés avoir échangé avec le sous-préfet et l'armement, nous avons choisis cette solution tout en gardant le secret. Au débarquement suivant des centaines de dockers et leurs sympathisants nous attendaient à l'ancien point de débarquement. Mais le Petrel leur ait passé sous le nez pour accoster directement devant la criée largement protégée par une compagnie de CRS. Le débarquement du poisson s'est fait dans le calme et la rapidité et sans incident.
A 6h du matin tout était terminé et j'ai eu la surprise de voir arriver sur le quai, Jean Pierre Le Roch président d'Intermarché et son épouse suivi par Jean Pierre Nicolle tenant un bouteille de whisky dans chaque main. Nous étions peu nombreux autour de Jean Pierre Le Roch à boire du whisky à 6h du matin. Je n'avais jamais fait cela. Mais je n'oublierai jamais ce moment de détente qui a duré quelques heures et qui nous donnait à tous, l'espoir qu'il y avait dans l'avenir de Keroman.
-L’informatisation du système de vente de la pêche industrielle . Il s'agissait essentiellement des produits de la pêche des grands chalutiers, des pinasses et de quelques chalutiers de petits armements mais qui pêchaient dans les mêmes zones au large des côtes irlandaises et écossaises.
Le poisson était débarqué par les dockers , trié par des femmes qui travaillaient la nuit , mis en caisses de 50 kg , puis allotis ( en lots de 500kg).
La vente se faisait tôt le matin, à la voix par des crieurs seuls habilités à effectuer ces ventes, tels des commissaires priseurs.
Pour informatiser cette vente il fallait se renseigner pour savoir ce qui se faisait dans le monde. On s'est inspiré de la vente au cadran tel qu'elle est réalisée aujourd'hui à Aalsmeer, le plus grand marché aux fleurs du monde
Créé au début du siècle, Aalsmeer est aujourd’hui la plaque tournante du commerce mondiale de la fleur. Avec plus d’1 million de mètres carrés soit l’équivalent de 250 terrains de foot, ce sont plus de 20 millions de fleurs et 2 millions de plantes qui transitent chaque jour pour être expédiées au quatre coins du globe.
Bien évidemment Keroman n'a jamais atteind ce niveau, mais à une certaine époque c'était 400 tonnes de poissons qui se vendaient certains jours . Et la vente au cadran, par sa rapidité, était parfaitement adaptée à la situation.
Dans le projet d'informatisation, le plus dur n'a pas été la solution technique facile à adapter à la pêche, mais l'acceptation par le mareyage qui craignait la mise en place d'enchéres descendantes, comme en hollande, plus favorables aux pêcheurs. Notre projet prévoyait également l'achat à distance c'est à dire la possibilité pour un mareyeur concarnois ou d'un autre port, d'acheter directement de son magasin entrainant de ce fait une concurence élargie.
Aprés de nombreuses réunions de concertation , il a bien fallu avancer. Nous avons fait valider le logiciel adapté à la pêche, formé les crieurs à la vente au cadran ainsi que les mareyeurs aprés avoir réalisé plusieurs ventes "à blanc" .
Les crieurs ont été très bons, tout fonctionnait parfaitement et dans les règles, il n'y avait aucune erreur sur l'application des prix de retrait qu'ils connaissaient par coeur, et les mareyeurs aussi, contrairement à ce qu'à prétendu le président de la SEM à un certain moment, pour motiver mon licenciement.
Le port de Lorient avait été certifié "ISO 9002" et une véritable révolution intellectuelle avait eu lieu. Les contrôles étaient permanents notamment vis à vis de la qualité du poisson. Le service des ventes avait mis au point un réglement des réclamations, accepté par tous, et qui permettait de régler les rares litiges liés au poids ou à la qualité du poisson livré aux magasins de marée.
Pendant cette période du début de la vente informatisée , j'ai connu des moments difficiles , des pressions pour tout arrêter, beaucoup de mauvaise foi pour me mettre en difficulté. J'ai vite compris que la réussite de ce projet ne plaisait pas à tout le monde.
-La modernisation de la vente des produits de la pêche artisanale .
Pendant des années un emplacement situé entre les criées et sur l'une d'entre elles s'appelait le " pan coupé." Sur cet endroit qui avait directement accés aux quais se déroulait chaque matin, sauf le dimanche, un marché à l'amiable de vente directe entre pêcheurs artisants de petite pêche du jour, et acheteurs poissonniers et mareyeurs agréés par le port. Les produits étaient superbes , les poissons encore vivants ou les langoustines sautaient dans les caisses de criée. les caisses étaient à même le sol; devant chaque caisse un représentant d'un bateau assurait la vente.
A 4h du matin, au coup de sirène, le marché s'ouvrait sous l'oeil attentif de Jean-Yves Nicol responsable de la pêche artisanale et de la vente au pan coupé.
La barrière s'ouvrait et une fourmillière d'acheteurs se précipitait vers l'emplacement réservé à leurs bateaux favoris et lançaient des bons d'achat dans les caisses sélectionnées pour signifier les transactions.
A la fin du marché Jean-Yves Nicol récupérait les éléments concernant toutes les transactions ( espèce , prix , poids ) qui étaient saisie ensuite dans le système informatique de la criée.
Jean-Yves Nicol est un homme sérieux , rigoureux , intelligent, excellent arbitre et dirigeait cet orchestre du matin avec une grande dextérité. Quand il y avait des litiges son autorité n'était jamais mise en cause.
Mais au delà du travail remarquable fait par Jean-Yves Nicol, le système de vente directe présentait de nombreux défauts. Certains bateaux avant même leur arrivée au port avaient vendu directement le produit de leur pêche à des poissonniers. Le contrôle de la qualité des produits , des poids , des prix , de l'application de la réglementation concernant les quotas de pêche pouvait difficilement être réalisé. Le port qui touche normalement des taxes provenant des pêcheurs et des poissonniers, en fonction de la valeur des produits achetés et vendus, voyait ses ressources grignotées par ces manoeuvres indélicates.
Ce système de 50 ans d'existence devait être réformé. Il fallait le casser avec toutes les conséquences humaines que celà comportait et construire autrechose de plus transparent de plus moderne de plus efficace.
Ce dossier touchant une population importante de la région lorientaise a été pour moi , un des plus difficile à régler. Je n'étais pas seul et j'avais d'excellents collaborateurs mais je ne pouvait pas échoué. (à suivre)
-la modernisation de l’outil de réparation navale (à suivre) comment on est passé du slipway à l’élévateur à bateaux (à suivre)
- A suivre